Les réfugiés sont de plus en plus confrontés aux lois et politiques qui stipulent que leurs besoins de protection seront considérés ou rencontrés ailleurs que sur le territoire de l’Etat où ils on demandé ou entendent demander protection.
De telles politiques—en ce inclus “pays de premier accueil,” “tiers pays sur” ainsi que les pratiques et règles d’examen extraterritorial-soulèvent à la fois opportunités et défis pour le droit international des réfugiés. Elles ont le potentiel de répondre à la préoccupation de la Convention de 1951 sur les réfugiés selon laquelle “il peut résulter de l’octroi du droit d’asile des charges exceptionnellement lourdes pour certains pays” en distribuant plus équitablement les responsabilités de protection parmi les Etats. Mais insister que la protection soit pourvue ailleurs peut aussi résulter dans le déni aux réfugiés de leurs droits en vertu de la Convention des réfugiés et du droit international en général. Le défi consiste à identifier les voies par lesquelles le régime de protection peut être rendu plus flexible sans pour autant compromettre les droits des réfugiés.
Nous nous sommes engagés, à cette fin, dans une étude en commun et une réflexion soutenue des fondements légaux de politiques de protection ailleurs. La recherche conduite par le Programme de recherche en droit international des réfugiés de l’Université de Melbourne a été débattue et affinée au Quatrième colloque sur les défis en droit international des réfugiés organisé en novembre 2006 par le Programme en droit d’asile et des réfugiés de l’Université de Michigan. Les présentes recommandations sont le produit de cette entreprise. Elles reflètent le consensus des participants au Colloque sur les exigences légales minimales de validité de politiques de protection ailleurs, aussi bien que nos vues sur les procédures par lesquelles les obligations légales internationales peuvent être remplies, de façon certaine, dans l’application de telles politiques.[1] La Convention de 1951 et le Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés (“Convention”) n’interdisent ni n’autorisent expressément le recours aux politiques de protection ailleurs. En tant que telles, les politiques de protection ailleurs sont compatibles avec la Convention aussi longtemps qu’elles garantissent que les réfugiés définis à l’art. 1 jouissent des droits consacrés aux arts. 2–34 de la Convention.
[2] Compte tenu du fait que la Convention n’envisage pas la dévolution des responsabilités de protection à une entité nonétatique, le partage de la responsabilité de protection doit avoir lieu entre et parmi les Etats. Bien qu’il soit préférable que l’Etat à qui la protection est assignée (“Etat d’accueil”) soit partie à la Convention, un tel statut n’est pas une exigence d’application d’une politique de protection ailleurs qui respecte le droit international.
[3] Le recours à une politique de protection ailleurs doit être précédé d’une évaluation empirique de bonne foi, par l’Etat qui propose d’effectuer le transfert (“Etat d’envoi”), que les réfugiés définis à l’art. 1 pourront en pratique jouir, au sein de l’Etat d’accueil, des droits garantis aux arts. 2–34 de la Convention. Les accords et assurances formels sont pertinents pour cet examen, mais ne représentent pas une base suffisante pour un transfert légal sous une politique de protection ailleurs. L’Etat d’envoi doit plutôt s’enquérir, de lui-même, de tous les faits et décisions relatifs à la disponibilité de protection dans l’Etat d’accueil.
[4] A moins que l’Etat d’accueil ne
reconnaisse le statut de réfugié de la personne devant
être
transférée ou qu’il pourra en fait assurer que tous les
droits garantis aux arts. 2–34 de la Convention lui sont
accordés sans qu’il ne soit besoin d’une reconnaissance de
statut de réfugié, tout transfert
de la responsabilité de protection doit être
conditionné
à un engagement de l’Etat d’accueil d’accorder à la
personne transférée une opportunité légale
et
matérielle significative de présenter son ou sa demande
de protection. L’Etat d’envoi doit, en particulier, s’assurer que
l’Etat d’accueil
interprète le statut de réfugié d’une
manière qui respecte le sens autonome et véritable de la
définition de
réfugié consacrée à l’art. 1 de la
Convention.
[5] En l’absence d’une preuve
individualisée de risque
fondé sur les raisons de sécurité nationale ou
d’ordre publique,
l’art. 32 de la Convention interdit l’expulsion d’un
réfugié se
trouvant régulièrement sur le territoire d’un Etat vers
tout autre
Etat, même s’il n’y court aucun risque d’être
persécuté. Un transfert de la responsabilité de
protection qui respecte les exigences de droit international ne peut en
conséquence intervenir qu’avant que le réfugié
concerné ne soit
“régulièrement” sur le territoire de l’Etat d’envoi. Une
présence régulière doit
être définie par l’Etat d’envoi de bonne foi et en accord
avec les exigences de droit international. Quoiqu’il en soit, une
présence
régulière ne peut être établie plus tard
qu’au moment où
intervient une décision d’admissibilité de la demande de
protection.
[6] L’obligation de non-refoulement consacrée à l’art. 33 de la Convention représente la contrainte la plus fondamentale pour l’application d’une politique de protection ailleurs. Parce que l’obligation consiste à s’abstenir des actes qui résultent dans l’expulsion ou le retour du réfugié aux frontières d’un territoire où sa vie ou sa liberté serait menacée “de quelque manière que ce soit,” l’art.33 interdit le refoulement indirect tel qu’il a lieu quand le réfugié est envoyé vers un Etat dans lequel il y a un risque possible de refoulement subséquent. Pour la même raison, les actions qui consistent à aider, encourager, ou assister de quelque manière un autre Etat à violer l’art. 33 sont elles-mêmes en contravention de l’obligation de non-refoulement.
[7] Un Etat est en violation de
l’art.33 là où une
expulsion ou un retour interdit est attribuable à cet Etat en
vertu du droit
international. Une attribution de responsabilité s’ensuit, entre
autres, là où le retour ou l’expulsion est
effectué par un représentant de l’Etat, quand bien
même il ou elle agit en outrepassant son autorité ou en
violation des instructions; par une personne privée ou une
entité agissant sur la base
des instructions ou sous la direction ou le contrôle de l’Etat ;
aussi bien que par les représentants ou les organes d’un autre
Etat mis à la disposition de l’Etat.
[8] Un réfugié n’a pas simplement droit à la protection contre le refoulement mais, plus généralement, au bénéfice des droits civils et socioéconomiques consacrés aux arts. 2–34 de la Convention. En tant que tel, tout réfugié transféré doit bénéficier, au sein de l’Etat d’accueil, de tous les droits conventionnels auxquels il ou elle a droit au moment du transfert. Il ou elle doit aussi recevoir, au sein de l’Etat d’accueil, tous les droits supplémentaires tels que requis par les exigences de la Convention.
[9] L’évaluation du respect de droits des refugies prendra en considération le fait que la plupart de ces droits ne sont ni immédiatement dûs ni absolus dans leur caractère. En particulier, les droits dûs à un réfugié augmentent comme le niveau d’attachement à l’Etat de protection augmente avec le temps. Certains droits prennent effet dès qu’un réfugié se trouve sous le contrôle ou l’autorité d’un Etat (ex. non-refoulement); d’autres une fois que le réfugié se trouve physiquement présent sur le territoire d’un Etat (ex. droit aux pièces d’identité); de droits supplémentaires sont dûs une fois qu’une présence régulière est établie (ex. professions nonsalariées); la résidence régulière ouvre la voie à une gamme de droits plus étendue (ex. accès au logement et aux systèmes de sécurité sociale); et un petit nombre de droits ne sont dûs seulement que lorsqu’une résidence durable est établie (ex. dispense de réciprocité législative).
[10] L’évaluation du respect de droits des réfugiés devra aussi prendre en considération le fait que la satisfaction des droits conventionnels n’est pas, dans la plupart de cas, conçus en termes absolus, mais qu’elle est plutôt définie par référence aux droits dont jouissent les autres au sein de l’Etat d’accueil. Par exemple, les réfugiés ont droit au même droit à l’enseignement primaire que les nationaux ; au même droit aux professions salariées que les ressortissants d’un pays étranger le plus favorisé; et au même droit à la liberté de circulation dont jouissent les étrangers en général.
[11] En plus de s’assurer que tout
réfugié
transféré vers l’Etat d’accueil pourra, en pratique,
jouir de droits en accord avec les exigences des arts. 2–34 de la
Convention, l’Etat d’envoi doit aussi donner effet à ses
obligations en vertu du droit
international des droits de l’homme et du droit international
humanitaire. L’obligation de ne pas retourner qui que ce soit vers le
risque de torture est un exemple clair d’une interdiction
découlant hors de la Convention des réfugiés, et
qui limite le recours à une politique de protection ailleurs
qui, autrement, serait légale.
[12] Toute personne devant être transférée vers un autre Etat sous une politique de protection ailleurs doit être en mesure de contester la légalité du transfert proposé avant qu’il ne soit mis en oeuvre. L’Etat d’envoi notifiera de ce droit toute personne devant être transférée, et considérera, de bonne foi, toute contestation de la légalité de transfert selon une procédure qui rencontre les standards internationaux d’équité procédurale. Une telle procédure doit en particulier comporter un mécanisme de recours effectif en ayant à l’esprit la nature des droits supposés être à risque au sein de l’Etat d’accueil.
[13] En accord avec les exigences de l’art. 31(2) de la Convention, tout réfugié dont le renvoi est envisagé sous une politique de protection ailleurs devrait d’abord se voir accorder “un délai raisonnable ainsi que toutes facilités nécessaires” pour obtenir l’admission dans un autre pays de son choix.
[14] Si un Etat d’accueil ne
réussit pas à garantir qu’une
personne transférée qui répond aux exigences de
l’art. 1 de
la Convention reçoit le bénéfice des arts. 2–34 de
la
Convention, les obligations originelles de l’Etat d’envoi à
l’égard de ce
réfugié ne sont plus satisfaites par le recours au
transfert de la responsabilité de protection. L’Etat d’envoi
doit, dans ces
circonstances, faciliter le retour et la réadmission du
réfugié en question sur son territoire, et y garantir le
respect de ses droits en accord avec les exigences de la Convention.
[15] Un Etat d’envoi dont les
représentants ou les
décideurs ont une connaissance réelle ou supposée
de la violation par
l’Etat d’accueil de son obligation de se conformer aux exigences des
arts. 1–34 de la Convention ne sera ordinairement pas en mesure
d’établir que les obligations conventionnelles sont
respectées au sein de l’Etat d’accueil. Il lui est par
conséquent interdit de n’effectuer aucun autre transfert vers
cet Etat sous une politique de protection ailleurs jusqu’à ce
que et à
moins qu’il n’y ait une preuve évidente de cessation de la
violation.
[16] Tout transfert sous une
politique de protection ailleurs devrait idéalement intervenir
uniquement sous les auspices d’un accord écrit entre les Etats
en question. Au minimum, un tel accord devrait stipuler l’obligation de
l’Etat d’accueil de respecter le statut de réfugié des
personnes définies
à l’art.1 de la Convention ; reconnaître aux
réfugiés
transférés les droits prévus aux arts. 2–34 de la
Convention; garantir aux
réfugiés transférés le droit et la
possibilité de notifier
au Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés
(HCR) toute violation supposée des responsabilités de
l’Etat
d’accueil; accorder au HCR le droit d’être présent au sein
de l’Etat d’accueil et de jouir d’un accès illimité aux
réfugiés transférés afin de surveiller le
respect des responsabilités de l’Etat d’accueil à leur
égard ; et de se conformer à une
procédure (établie par l’ accord ou toute autre voie) de
règlement
de tout différend résultant de l’interprétation ou
de
l’exécution de l’accord.
James C. Hathaway Organisateur du colloque Université de Michigan |
Rodger P.G. Haines Président du colloque Université de Auckland |
Rapporteur du colloque Université de Melbourne |
Mariano-Florentino Cuellar Université de Stanford |
Maryellen Fullerton Ecole de droit de Brooklyn |
Honorable A.M. North Cour Fédérale d’Australie Président de l’Association internationale des juges aux affaires des réfugiés |
Mary Ellen O’Connell Université de Notre Dame |
Guglielmo Verdirame Université de Cambridge |
Marjoleine Zieck Université d’Amsterdam |
Hedy Chang Etudiant Université de Michigan |
Martin Jones Chercheur invité Université de Michigan |
Alla Karagodin Etudiant Université de Michigan |
Sarah Karniski Etudiant Université de Michigan |
Alison Kent Etudiant Université de Michigan |
Alicia Kinsey Etudiant Université de Michigan |
Abby Rubinson Etudiant Université de Michigan |
Lindsey Schatzberg Etudiant Université de Michigan |
Rachel Simmons Etudiant Université de Michigan |